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Enrichir la palette de l’historien en redonnant de la couleur aux campagnes françaises (1890-1950). Pourquoi et comment ?

Les années 1960 marquent une transition dans notre perception du monde et dans la mémoire que nous en conservons. Pourtant, pour les périodes antérieures, et notamment de 1890 à 1950, le progrès des techniques ouvre aujourd’hui des perspectives sans précédent pour tous ceux qui entendent conférer au monde passé de meilleurs éclairages. La colorisation des photographies noir et blanc en l’un des plus spectaculaires. Et qui mieux que les « Paysans », dont nous descendons tous et qui ont marqué notre histoire, peut se targuer d’en sortir transformé ? En rendant aux campagnes d’hier les couleurs qu’elles ont perdues, c’est tout un monde disparu qui resurgit sous nos yeux. Avec nous elles retrouvent une proximité sans pareille. Certes dans cette mise en couleur des clichés grisâtres qui nous sont parvenus, tout n’est pas assuré. La comparaison avec les documents polychromes, le recours aux descriptions des contemporains, l’évidence des permanences du décor, le minutieux travail d’évaluation du coloriste comptent dans la transfiguration. Certaines limites sont indéniables : la vivacité ou la nuance de certains coloris peuvent être discutés ; les arrière-plans sont plus ou moins lumineux ; les choix iconographiques restent non exhaustifs puisque certaines représentations peu contrastées, comme les robes blanches de communiantes, ou l’infini des verts et des ocres de nombreux paysages, ont dû être écartés. Pris isolément, chaque cliché engage à la prudence avant de certifier l’exactitude du rendu final. Mais pour autant, ne rechignons pas et ne versons point dans l’hypercritique ! Sans conteste, avec la couleur, la capacité de suggestion est décuplée. - Car cette mise en couleurs n’a pas qu’une vertu esthétique. Elle met en relief aussi des dimensions et des détails qui pourraient échapper à première vue sur les originaux. L’importance du bois dans l’équipement agricole ? Les ondulations de l’eau du lavoir ou de la rivière ? Les garnitures florales des chapeaux de dame portés au mariage à la Belle Époque ? Les accessoires de mode ? La roseur parcheminée du vieux paysan corse ? Tous ces éléments, et tant d’autres, deviennent plus saillants. Il n’est pas jusqu’à certains personnages des scènes collectives qui prennent une autre consistance quand on les voit surgir en couleurs. Et alors les découvertes fusent, les surprises se manifestent, les objets de curiosité s’élargissent. Tout à coup le document s’enrichit et sollicite des questionnements plus étendus. - Avec toutes ces couleurs les campagnes d’antan reprennent un peu de vie et leurs acteurs de réalité. Un autre regard s’aiguise : celui de la modernité que secrètent des sociétés rurales beaucoup moins immobiles que le nivellement chromatique aurait pu laisser croire. Notre connaissance de l’histoire est tributaire de la nature de notre documentation : en lui donnant un autre relief, notre perception change. Gageons que la mise en couleurs enrichisse aussi notre vision du passé.

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